Propos du recteur de l’UEH au Colloque International su la Contribution d’Haïti à l’Emancipation des Peuples

Le recteur de l’UEH, Fritz Deshommes, a pris la parole au Colloque International su la Contribution d’Haïti à l’Emancipation des Peuples

Ce colloque a été réalisé sous le patronat du Rectorat de l’Université d’Etat d’Haïti (UEH) et du Ministère des Affaires Etrangères et des Cultes (MAEC) les 14, 15 et 16 novembre 2023

L’intégralité de l’allocution du recteur :

L’Université d’Etat d’Haïti tient à exprimer son bonheur, sa fierté et son enthousiasme à lancer, conjointement avec le ministère des Affaires Etrangères et des Cultes, ce Colloque International sur la Contribution d’Haïti à l’Emancipation des Peuples dans le cadre de la Lutte Globale contre le colonialisme et l’esclavage.

Je voudrais en tout premier lieu présenter mes félicitations et mes remerciements au Ministre Jean Victor Généus pour sa réponse spontanée et enthousiaste à la proposition de l’UEH, pour son soutien sans faille, et son accompagnement à toutes les phases de l’initiative. Il est vrai que le Ministre Généus est un passionné du sujet, un chercheur dévoué, qui nous a déjà gratifié d’un remarquable ouvrage dont le titre nous plonge en plein cœur de notre colloque. Il est intitulé :« Autant en emporte la Revolution/Notes sur la contribution d’Haïti à la lutte des peuples pour leur libération »

C’est la Chaire UNESCO en Histoire et Patrimoine de l’UEH qui a été sollicitée pour la mise en œuvre de ce Colloque. Et je peux témoigner que le choix n’aurait pu être plus judicieux. Le Coordonnateur, Kenrick Demesvar, et son équipe se sont mis immédiatement au travail et ont pu avec compétence et efficacité, mais aussi avec patriotisme, mobiliser toute une palette de chercheurs parmi les plus prestigieux, pour nous offrir ce menu de haute facture que vous pouvez apprécier dans les livrets qui vous ont été distribuées. Petite confidence : le temps imparti était très court. Et le coordonnateur du Colloque, le Dr Watson Denis, et ses collaborateurs des comités scientifique et d’organisation ont dû mettre sur la table tout leur prestige, toute leur compétence, tout leur savoir-faire pour y arriver avec tellement de succès.

Il faut souligner la qualité du travail accompli par les cadres du ministère des Affaires Etrangères, de l’Académie Diplomatique Jean-Price MARS, du Rectorat de l’UEH et de l’UNESCO en cette occasion. A côté de leur professionnalisme éprouvé, un souffle patriotique assorti de fierté et de sens des responsabilités a permis de surpasser toutes les difficultés inhérentes à ce genre d’activités, devant être réalisées dans le temps (court) qui était imparti. Un merci spécial au professeur Christian Toussaint et à tous les collaborateurs de nos deux institutions.
Mais direz-vous, pourquoi un tel colloque ? Devons-nous encore continuer à ressasser le passé pendant que nous négligeons l’avenir ?
Ne devrions-nous pas avoir honte de ce passé tellement glorieux en comparaison de ce présent méconnaissable et d’un avenir réputé désespérant ?

Mais pas si vite. Connaissons-nous vraiment ce passé ? Nous est-il correctement et opportunément enseigné ? N’avons-nous pas tendance à assumer que ce pays, notre pays, est irrémédiablement condamné à la déchéance et que notre vie de peuple a toujours été une vie de parias qui n’ont jamais rien fait, rien entrepris, rien accompli ?

Il est en effet difficile d’assumer que ce pays dont nous sommes les citoyens a réalisé la plus belle, la plus grande et la plus complète révolution du monde. Qu’il se trouve à la base de tous les grands principes et de tous les grands idéaux de l’humanité. Qu’il ne s’est pas contenté de se libérer lui-même, qu’il est parti semer la liberté dans son environnement immédiat et sur tous les continents. Qu’il fut en son temps faiseur de rois, permettant aux uns de doubler leur territoire et de prendre une sérieuse option vers l’hégémonie ; refusant aux autres le loisir de poursuivre leurs rêves de grandeur colonialiste et de renforcement d’empires continentaux. Qu’il a porté sur les fonts baptismaux une multitude d’Etats aujourd’hui bien mieux lotis. Qu’il s’est révélé le plus grand abolitionniste de toute l’Amérique, du Nord au Sud. Qu’il a été le plus grand défenseur de la liberté et de la souveraineté de ses voisins immédiats de l’Est.

Sait-on si l’esclavage ne serait pas encore la norme mondiale s’il n’y avait pas eu la révolution haïtienne ? Sait-on où en seraient l’Amérique du Sud et le colonialisme triomphant si Haïti n’avait pas montré le chemin et si les Pères de la Patrie, Jean-Jacques Dessalines et Alexandre Pétion, n’avaient pas alimenté Miranda et Bolivar en armes, munitions, navires de guerre, d’argent et d’assistance technique ? Le sait-on, le racisme ne serait-il pas encore à ses jours de gloire si l’armée indigène n’avait pas battu à plate couture la plus grande armée du monde de l’époque, si les Noirs de St-Domingue et d’Haïti n’avaient pas su prêcher d’exemple et montrer à leurs frères noirs des Caraïbes, d’Amérique, d’Afrique et du monde que la couleur de la peau ne saurait constituer un critère de supériorité ni dans la pensée, ni dans l’art militaire, ni dans le savoir-faire ?

La réalité est que le chemin de la liberté, des Droits de l’Homme et de la souveraineté s’est substantiellement dégagé mais encore et surtout, il s’est imposé comme une norme absolue, mondialement reconnue.

Il suffit de se référer aux principes fondamentaux qui président aux relations entre les personnes et entre les nations pour se rendre compte de l’importance de la Révolution Haïtienne pour l’humanité. Toutes les notions relatives aux libertés fondamentales, aux droits humains, à la non-discrimination, à l’égalité des races et des sexes en procèdent tant il est vrai que les deux révolutions qui l’ont précédée, la française de 1789 et l’américaine de 1776, tout en proclamant de grands principes, trouvaient encore normal de cultiver le colonialisme, l’esclavage, le racisme et l’apartheid.

L’Organisation des Nations Unies, dans sa croisade en faveur d’un monde meilleur, n’a eu d’autre solution que de remplacer l’ancienne Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Désormais, ces droits ne se cantonnent plus aux seuls droits civils et politiques mais s’étendent aux droits économiques, aux droits sociaux, aux droits culturels, aux droits linguistiques. Et, précise le document, ils se rapportent à toute personne humaine, « sans distinction de race, de couleur, de sexe, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. »

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Steeve Charles

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